Chanter tout bas notre amour pour les quat'saisons
Ca m’a piqué un peu les yeux, ça m’a chatouillé le cœur. 2012 s’en va, et avec lui les deux barres dans la salle de bain biscornue, la voix de S. qui s’adoucit, et les neuf heures d’avion, à aller aux toilettes toutes les vingt minutes, pour voir si entre temps, mon ventre a poussé ; et à observer les voyageurs, ont-ils deviné ? Ce secret délicieux dans le fond de mon ventre. La bouche bée de ma sœur, ma gueule de bois pendant deux mois, les Kinder Bueno, les radis et les fondues savoyardes.
Envolés le parquet qui craque, les photos de mon ventre à la lumière rasante de la lampe sous la mezzanine, mes coups de fatigue, mes coups de gueule, mes coups de flip et nos putain de coups de baise, devant plus de mille personnes, « mais elle est enceinte ? ». Mes chevilles qui enflent, la main du père dans mon dos, les pieds du fils dans mes côtes. Son nez dans mon cou, le cinéma en tête à ventre.
Finis mes crises de jalousie, ma tristesse infinie, mes yeux plein de fierté quand je le regarde, lui qui a grandi, lui qui nous a grandi, lui qui est devenu un homme. Mes copines, cette tornade et le Frioul, le vent le vent le vent. Les feuilletés aux épinards et yalalahihouuuuuu. Nous sommes dans les toilettes d’un café où les gaufres sont délicieuses, le sèche-mains se met en route à côté de nous, mon bébé de quelques semaines – deux peut-être - sursaute et son regard, mon Dieu, son regard. Que se passe-t-il ? Protège-moi. M.A.M.A.N.
Bye bye bébé citron. Bienvenue mon bébé Ange, mon cadeau du ciel, mon tout-petit, mon tout-doux, mon bébé au lait olé, ma tortue toute nue, mamour, mon cœur, mon amour (mon amour, mon cœur), ma vie, mon crapaud, mon Bouddha, mon jambonneau, ti boug’, ti mâle, mon roi, Mollux, Gérard Jugnot, mon FILS.
L’été reviendra. D'autres voyages en famille.
Resteront les souvenirs, de cette douleur aigue, de ce bonheur innommable, de cette fusion indescriptible. Restera cette cicatrice, le trou par lequel il s’est détaché de moi, que je caresse en souriant, cette balafre de bonheur en barre. Samedi 3 novembre 2012, malgré tout le plus beau de toute ma vie. Je n’ai pas encore compris que nous sommes deux personnes distinctes. Je ne peux dormir que son ventre contre le mien, quand il a mal j’ai mal, mais quand j’ai mal je crois qu’il a mal. Il est si moi.
Il en est tombé malade, la morve au nez et la voix enrouée. Rauque puis aigue, fragile, je fonds. Les yeux brillants, il nous regarde. Et nous, de chaque côté de son visage, on lui murmure notre amour, et on lui jure qu’on restera là, avec lui, jusqu’à ce qu’il guérisse. Et moi, j’imagine comme ça doit être génial d’avoir son père et puis sa mère, et puis tout cet amour, bordel.
Adieu, 2012, l’année où il est né, celle où je suis devenue une femme en même temps qu’une mère, la plus belle de ma vie, l’apogée, l’apothéose, l’accomplissement. En 2013, il continuera à sourire, je le regarderai grandir. Et je parie que les années à venir seront plus merveilleuses les unes que les autres.